Le Fronton de notre dame des anges
Le Fronton de notre dame des anges

Les archives du diocèse de Mariana et Accia nous apprennent qu’en 1728 on comptait, pour le seul diocèse, six couvents d’Observantins, sept de reformés, huit de Capucins, et cinq de servites, plus un hospice Dominicain à Saint Hyacinthe de Lota.

Chaque communauté avait, chez nous, son couvent : un de Capucins, dédié à Notre-Dame-des-Anges, et situé à Casa alle I,eccie, à San Martino, près de Mola; un de Dominicains, qui était plutôt un refuge (« ospizio »), dédié à Saint Hyacinthe et bâti à deux kilomètres à l’ouest de Miomo. Tous deux datent du dix-septième siècle.

LE COUVENT DES CAPUCINS

La première apparition de Capucins à Lota remonte aux premières années du dix-septième siècle. Le 27 Avril 1604, notification est faite à la paroisse de San Martino d’un jugement de défaut en faveur des Révérends Pères. Les Lutinchi désiraient de tout leur coeur la fondation d’un couvent. Malgré l’opposition des Dominicains de Saint-Hyacinthe, déjà en place, et qui trouvaient sans doute que deux couvents, c’était trop pour une seule « pieve », les Capucins construisirent le leur, près du hameau de Mola. Les dons, les legs affluèrent. L’ouvrage n’était pas achevé en 1645. Nous savons qu’en cette année Marietto q. Santone, d’Oratoggio, laissa une châtaigneraie au couvent des RR. PP. Capucins qui est en construction dans la Pieve de Lota.
Le « bullarium capucinorum » donne pourtant cette date (1645) comme année de construction, mais Padre Francesco Scolca, qui vécut au dix-neuvième siècle, parle d’un petit manuscrit retrouvé au couvent de Lota, « qui fut fondé le 28 Mai 1656 ». Cette dernière date est probablement la date de la fondation officielle de Notre-Dame-des-Anges.
Grande bâtisse en quadrilatère avec un cloître au milieu, la chapelle occupant presque toute l’aile nord, le couvent de San-Martino avait fière allure. Nombreux étaient les Pères et Frères qui l’habitaient; quelques-uns d’entre eux étaient originaires de Lota.
Les Pères Capucins assuraient la prédication dans les paroisses voisines, faisaient classe aux enfants des hameaux accourus au couvent pour y recevoir une saine instruction. Ils assistaient, aux grandes fêtes, aux cérémonies paroissiales, qu’ils rehaussaient de leur présence.

Chapiteau du cloître

Le 2 Août, fête de la Portioncule, les fidèles de toute la région se rendaient en pèlerinage à la. chapelle Notre-Dame-des-Anges, patronne du couvent.
Avant la suppression des ordres religieux en 1797, plusieurs Pères illustrèrent le couvent de Lota par leur sainteté:
Le Père Benedetto de Lota, devenu gardien du couvent des Capucins d’Ajaccio, où il mourut, vénéré comme un saint, en 1661.
Le Père Justin de Lota, du hameau de Figarella, mort à Rome, en odeur de sainteté, le 28 Mai 1810.
Le Père Antonio de Lota, également de Figarella, dernier survivant après la suppression des religieux, mort à l’âge de quatre-vingts ans, en 1848, et inhumé dans I’église de Santa Maria de Mandriale.
Après la suppression des ordres religieux, les Pères et Frères furent dispersés. Les uns s’exilèrent en Italie. D’autres, originaires de Lota, se retirèrent chez eux, dans leur famille, où ils achevèrent paisiblement leur vie.
Que devint alors le couvent? Il fut mis en vente par le gouvernement.
Pour sauver les biens d’église, entre autres le couvent et l’église des Capucins, « i sïgnori municipali » prennent, en 1803, au nom de la communauté, quatre cents francs dans la caisse de Notre-Dame-des-sept-douleurs, « impiegandoli per la sigurezza dei fondi »

D’autre part, l’annaliste Capucin, le Père Francesco Scolca, dans une notice écrite de sa main en 1844-1845, raconte que le Père Antoine (cité plus haut), et d’autres religieux (également de Lota), achetèrent pour la somme de quatre-vingt seize francs, au nom de la commune, le dit couvent, avec la condition qu’à la mort de ces Pères, il reviendrait à la commune. Le Père Antoine mourut au couvent en 1848.

Le Père Francesco ajoute en note:  » II Padre Antonio bramava vedere di nuovo i capucini nel convento di Lota, di cui egli n’era il proprietario e custode, ma non ebbe questà fortuna, causa d’una famiglia allora prepodente. »

Quelle fut cette famille puissante qui s’opposa au retour des religieux? L’histoire garde son secret ! Le Père Scolca est formel: le Père Antoine était le propriétaire et le gardien du couvent puisqu’il l’avait payé quatre-vingt seize francs, mais légalement, celui-ci appartenait à la commune.

En 1845, la partie inférieure du couvent est affectée au tribunal de paix et de police; le deuxième étage à l’école primaire et au logement de l’instituteur. Le nouveau vicaire de San Martino y aura aussi son logement, à charge pour lui d’entretenir le couvent.
Mais, quinze ans après la mort du Père Antoine, son voeu et son désir le plus cher devaient se réaliser.
Le 5 Juillet 1863, Charles-Felix Anziani étant maire, une délibération municipale cède la jouissance du couvent et de ses biens aux Pères Capucins, excepté la salle d’audience.
Le couvent de San Martino fut solennellement réouvert le 9 Septembre 1863. Pères et Frères reprirent leur travail: prières, prédications, enseignement, sacrements; ils aidèrent, de plus, le curé dans le service paroissial en qualité de vicaires. Le Père Adriano, mort le 6 Janvier 1876, fut un des premiers gardiens.


Les conditions de vie devenant de plus en plus difficiles, les Pères Capucins furent amenés à fermer leur couvent. C’était vers la fin du siècle dernier, avant la loi de Séparation de l’Eglise et de l’Etat (1905). A cette date, il revint à la municipalité.
Complètement délaissé, celle-ci n’ayant pas les moyens financiers d’entretenir un si grand édifice, il fut mis aux enchères le 27 Septembre 1908 par le maire, Antoine-Hyacinthe Graziani. Celui-ci avait été autorisé par l’arrêté préfectoral du 26 Août 1908.
La famille Cagninacci acheta le tout pour cinq mille sept cents francs. Elle transforma complètement le couvent en joli petit château. Seules la chapelle et les cellules monacales ne furent pas modifiées.
A la suite de la guerre 1939-1945, cette vaste demeure n’étant plus occupée par la famille Cagninacci, elle fut louée à E.D.F, pour ses colonies de vacances de 1949 à 1973. La chapelle étant alors transformée en salle des fêtes, les tableaux et les boiseries sculptées furent placées dans les églises paroissiales de San Martino et de Mandriale en 1950.Depuis 1974, la famille Cagninacci occupe à nouveau sa propriété familiale.

D’après « Histoire d’une Pieve: Lota » du Chanoine F. SARAVELLI-RETALI